Bilan intermédiaire: une recherche interdisciplinaire enrichissante

Prof. Alexander Grob, président du comité de direction du PNR 76

Le Professeur Alexander Grob, président du comité de direction, donne un aperçu de l’avancée des travaux du PNR 76.

Prof. Alexander Grob, président du comité de direction du PNR 76 et professeur de psychologie du développement et de la personnalité à l’Université de Bâle

Professeur Grob, quatre années se sont écoulées depuis que le Conseil fédéral a lancé le PNR 76. Où en est ce programme de recherche?

Je dirais les choses ainsi: nous sommes clairement sur la bonne voie. La plupart des chercheurs ont mené à bien un peu plus de la moitié de leurs travaux, ont affiné leurs approches et leurs méthodes, réalisé des entretiens et recueilli des données prometteuses. Leur évaluation et interprétation exige désormais du temps, mais nous estimons que nous pourrons présenter de nombreux résultats dès l’automne 2022. Suite à la pandémie, quelques projets accusent aussi un léger retard du fait des accès restreints aux archives ou d’entretiens n'ayant pu être effectués.

Est-ce que les équipes de recherche travaillent de manière isolée ou collaborent-elles entre elles?

De nombreux projets privilégient un échange direct avec d’autres chercheuses et chercheurs du PNR 76 et s’enrichissent ainsi mutuellement. Le PNR alloue aussi sciemment des moyens financiers à ces collaborations afin de les encourager. A la mi-mars 2021, le PNR a organisé une conférence scientifique qui a permis de donner des impulsions internationales. L’accent avait été mis sur les similitudes et disparités observées dans le traitement international de l'information, ainsi que sur le rôle joué par la science dans les processus de documentation des interventions injustifiées dans la vie de personnes. J’espère que ces échanges s’accroîtront encore durant la prochaine phase et dépasseront les frontières individuelles de chaque projet, chaque discipline et chaque institution. Nous encourageons également les échanges sur des thématiques liées concrètement et directement aux méthodes et à la pratique de la recherche:en décembre dernier, plus de 90 chercheuses et chercheurs du PNR ont participé à un atelier consacré à l’interprétation des dossiers et à l’intégration de la perspective des personnes concernées dans la recherche, manifestation qui leur a offert l’occasion de partager leurs propres expériences dans le cadre du programme.

Pourquoi la discussion relative aux dossiers revêt-elle une telle importance?

De nombreux projets fondent leurs travaux sur l’étude de dossiers. Le défi que représente «l’interprétation» peut constituer une véritable gageure. C’est la raison pour laquelle les dossiers traités s’avèrent particulièrement exigeants, voire délicats, parce qu’il s’agit aussi d’examiner le protocole administratif sur lequel s’appuient des interventions qui s’inscrivent dans le champ de tension entre assistance et coercition. La prudence est de mise lorsqu’il s’agit d’en dériver des explications et des conclusions. Et nombre de questions se posent. Par exemple, quant à savoir comment les «cas» sont construits et quel est le rapport qui existe entre les dossiers et la vie des personnes qui se cachent derrière ces «cas». Ou quels sont les normes morales et les intérêts économiques qui ont prévalu à la gestion des cas. Tels sont les points essentiels, qui en soulèvent beaucoup d’autres, et que différents projets s’attachent à clarifier. Sachant que de nombreuses questions de recherche sont parallèlement étudiées.

Le PNR 76 couvre un large spectre thématique. Les connaissances générées par les projets seront-elles suffisantes pour répondre de manière approfondie aux questions pertinentes?

Nous sommes très confiants. Des rapports intermédiaires ont été présentés à l’automne dernier par les différents projets et analysés en détail par le comité de direction. Cet aperçu des activités de recherche nous donne toutes les raisons d’être optimistes. Le comité de direction a par ailleurs rendu visite à toutes les chercheuses et chercheurs afin de cultiver un échange direct. La deuxième et la troisième mises au concours nous ont par ailleurs permis de combler les lacunes qui existaient encore. Cela signifie que ces projets ont débuté leurs travaux plus tardivement que les autres, mais aussi que nous profiterons de connaissances complémentaires. En mai 2021, nous pourrons également sélectionner des projets supplémentaires portant sur les adoptions en situation de coercition et les placements en famille d'accueil.

Comment le PNR complète-t-il les travaux de la Commission indépendante d’experts (CIE) internements administratifs?

Les conclusions de la CIE sont très bien documentées et appuyées par des publications. Celles-ci sont directement valorisées dans de nombreux projets de recherche du PNR. Il est également à noter que beaucoup de scientifiques participant au PNR 76 étaient déjà impliqués dans les travaux de la CIE. Les auteur·es du rapport de synthèse de la CIE, Lorraine Odier et Urs Germann, ont présenté les points clés et les principaux résultats de la CIE aux chercheuses et chercheurs du PNR 76, ce qui a donné lieu à des échanges très fructueux. Il est néanmoins clair que, contrairement à la CIE internements administratifs, le PNR 76 entretient un rapport étroit avec le présent et nous espérons obtenir des données fondées en lien avec les défis immédiats et actuels que soulève le champ de tensions entre assistance et coercition.

Quelles seront les prochaines étapes du PNR 76?

Plus les connaissances générées sont nombreuses, plus le transfert de savoir apparaît important. Dans cette perspective, nous souhaitons initier un dialogue précoce dépassant le cadre du PNR 76. Afin de prendre pleinement en considération la relation existant entre assistance et coercition à travers le passé, le présent et l’avenir, nous étudierons le discours actuel de la politique comme de la pratique ainsi que l’opinion publique. Cela nécessitera des échanges et des discussions communes. A cette fin, nous souhaitons organiser une série de cinq événements dédiés au dialogue dans toutes les régions linguistiques entre l’automne 2021 et l’automne 2022. Nous publierons en complément des bulletins du PNR 76 afin de donner un aperçu concret des avancées scientifiques réalisées. Nos partenaires du domaine de la pratique, les personnes concernées, les autorités, les responsables politiques, les organisations non gouvernementales et d’autres acteurs auront également leur mot à dire. Enfin, le comité de direction réfléchit déjà aux moyens de synthétiser et présenter de manière compréhensible les connaissances générées par ce programme, qui comptera au final plus de 30 projets.